Avant de partager avec vous les différentes raisons ou démarches de mes travaux, je vais déjà commencer par parler de mon attirance pour la peinture et autres matériaux qui ont leurs réalités dans ma vie. Cet espace d'écriture ne sera pas statique, et je viendrai de temps à autre y apporter quelques coups de pinceaux.

C'est un peu comme une toile sans bordure, une surface sans limite.

 

Je communique avec la matière couleur, qui pour les artistes se définit sous diverses formes, pigments, acryliques, glycérophtaliques, peinture à l'huile, feutres, craies, pastels, crayons peintures, spray bombe... Mais également pour moi henné, mousse à raser, colorations à cheveux, café et je ne sais encore ce qui m'attend.

La couleur puis le blanc et le noir sont donc matériellement réels, ils se pulvérisent, s'effritent ou encore s'appliquent avec des outils, des ustensiles, avec le corps et bien d'autres moyens. 

 

J'aime profondément le pinceau, du bâtiment principalement, parce qu'il m'inspire sa fonction avant tout. Il sert à peindre des bâtiments, des grands et des petits formats que l'on peut habiter, ou des objets qui nous côtoient, alors que le pinceau prévu au monde artistique me semble moins puissant, plus codifié et plus fragile. Peut être suis-je dans ma peinture dans un affrontement, un combat, un effort, une lutte ou un voyage, qui aspirent à se munir de matériels résistants, tels les outils d’artisans, je veux partager l'artisanat à l'art et vis versa.

Aussi, l'idée d'un travail artistique me séduit davantage avec une dimension "bâtisseur", elle tend à me plonger dans la ligne temporelle; comme le mur et le monument résistent aux intempéries ils ont ce pouvoir de traverser les saisons, la pluie, le soleil, le froid... Bref, le pinceau est cette personne qui avec moi trace l'univers dans lequel nous aimons plonger, la peinture, l'art.

 

La peinture, je l'aime sans la voir, je l'aime dans son pot, je l'aime sur la gondole sur laquelle elle attend, je l'aime dans sa texture sa matière, sa coulure, sa fragrance et sa nonchalance. Elle est comme l'eau dans une bouteille, hydratant par sa seule vue celui qui est mort de soif et ressent déjà sa légèreté sa fraîcheur, son bienfait, dans son corps.

 

Ainsi par leur seule présence, la peinture, le pinceau et tout autre témoin de la création colorante et géométrique, s' entame une discussion avec le sourire de mon iris. C'est une passerelle sans main courante qui jalonne les pas de mon pouls. Chaque espace ou couleur, appelle mon sens du "que vois-je?". La vie a tellement à dire dans chacun de ses silences, qu'au virage d'un relief ou d'un duo en friche, les formes s'animent en cachette, pour me compter l'histoire de mes envies. Nous ne sommes jamais seuls, car (je pense) notre créativité est le pourquoi du sang qui coule dans le corps, l'instant est aussi capable en surprise qu'un pinceau sait ce que peindre veut dire. L'instant rit, moi je coule la couleur. On peut marcher dans la rue et vivre une histoire à chaque pas, c'est ce que je fais avec la couleur et les lignes, je marche. Savoir où je vais n'est pas ma priorité dans mon acte pictural, au contraire, car ce que je veux, c'est découvrir ce que le monde ne cache pas, lorsqu'on sait lui ouvrir la porte. 

On nous apprend à grandir, à vivre en société, à devenir quelqu'un, et ma peinture me permet se devenir, être celui qui avance dans la vie avec le doute et la joie de ce doute, être celui qui apprend dans le faire, alors je peins et je "ligne", puis je "trait", pour aller là où il est possible d'aller, sans avoir peur de ce plaisir de la richesse de nos actes, glissé au creux de notre main. Laisser l'oeuvre,  être oeuvre et devenir sa propre source de croissance,  par le biais de la curiosité naïve. 

J'aime donc utiliser ces pinceaux de bâtiment, qui, trempés tels des fleurs dans mes pots gorgés d'eau, arrosés par mes soins attendent leur destin, prêt à éclore des lignes de mes mains.

 

J'ai découvert la ligne comme on découvre l'existence des choses en ouvrant ses yeux. Peindre, peindre pour voir des choses s'extraire du silence des yeux fermés. Peindre pour sentir la couleur tendre ses nuances et dévoiler le corps des formes possibles lorsque je crois en mes gestes. Donner à mon corps à mon cerveau une autre chance d' accéder au  langage. Le langage des non dits, le langage des oublis et des soupirs suspendus entre mes rires. Je veux voir ce que ma gorge et mon cerveau ne savent pas me dire.  

                                                                                                                                                                                        

 

Autodidacte depuis 2007, par amour de la création et du sensible de "chacunn", issu de mon passif skate. Par l'agencement récurrent de superpositions, de couches de peintures, de matières papiers, de plastiques, à la palette de couleurs brutes et variées, je révèle ma vision abstraite de la vibration de nos vies entremêlées, partagées, subies, écoulées, orchestrée par la dualité des lignes souvent rouges et bleues, laissant s’inviter des formes connues de notre esprit et environnements, je veux toucher notre unicité propre et liée, dans un système où tout coïncide en réseau. La ligne rouge qui porte depuis tout temps la note du cœur, du sang, du feu, de la joie, de la vie, une fréquence également liée à la régénération, le positif en somme un symbole du lien, connexion. Le bleu par opposition du chaud, le froid, mais aussi avec amusement il me rappelle la douceur de la marinière, l’azur, la détente, la paix, le large et l’évasion, le rouge le bleu, une dualité, un équilibre notable visible dans tout système. La répétition de lignes, des traits, développe un rapport à la matière, l’épaisseur, les strates, la consistance, ainsi que la stabilité, une forme de contrôle de l’espace, qui rassure, d’où émerge une énergie de force, de vie, ou de présence qui impose ou instaure une relation à « prendre sa place », délimiter son territoire. Le vivant!

Il y a la peur de mal faire, la peur du moche, la peur du raté, la peur « du » esthétique, la peur du parfait. Je veux mettre mon corps dans cet état émotionnel, grâce à l’art, toucher cet instant loin de notre éducation, collé à notre lucidité d’enfant. L’enfant qui ne sait pas mais qui sait tout, car encore proche de la force de la naissance, proche de la puissance de la vie, où tout est simple et sans code, dans une unicité propre à "chacunn" et propre à la vie de tous. C’est-à-dire être, telles sont chaque chose, dans un mouvement perpétuel façonné pour vivre le changement, même dans sa stagnation.

 

C’est avant tout une manière de lire le temps, mon temps, mes pensées, celles dont je rêve peut être quand je suis évanoui sous mes draps, ou hébété au milieu de tout et de rien, comme on dit « la tête dans les nuages ». Nous savons tous des choses que nous ignorons, instinct de la vie, mais trop pris(ses) par les contraintes de la vie en société à chercher à atteindre, nous en oublions parfois, de quoi nous sommes tant capables, et comment nous arrivons à aimer un lieu, une odeur, un bruit et en 2 secondes réussir à leur écrire une histoire aux alentours de notre tête et notre corps. Sensibles nous sommes, amoureux nous sommes, éparpillé(e)s nous sommes, présents nous sommes. Il suffit juste d’être maintenant et vivre ce qu’il offre, et ce que nous lui offrons. Mon travail est un maintenant, combien de temps dure maintenant ? il dure le temps qu’on lui accorde, et je veux lui accorder son temps, mon temps, je veux m’accorder au maintenant avec ces lignes que je tends et exprimer se présent que je vis.

haadj__